dimanche 9 décembre 2012

La Saintélyon 2012, 2 décembre 2012, 70 kils

 
 
 
1. Préambule 
 
 J’avais coché cette course en septembre, lorsque j’ai senti, au trail du Cul d’Enfer, que j’avais une base de vitesse satisfaisante mais pas assez de volume pour bien finir les Templiers. Puis, je voulais découvrir la Sainté et me lancer ce nouveau défi : Courir de nuit, dans le froid et peut-être la neige ou la boue. J’avais quand même pas mal d’appréhension à m’inscrire dans cette galère nocturne mais je crois que c’était nécessaire pour me forger de l’expérience et un mental de guerrier en vue de mon GRP 2013.
 
 La trame de ma prépa était donc toute tracée : se faire les cuisses sur de grosses séances PPG et des blocs 2-3 jours à la kinou, emmagasiner de la confiance avec la Gapen’cimes et accumuler de la motiv’ auprès de mes proches et des gars du team dont Guillaume (Vimeney) avec qui j’ai partagé cette prépa et le début de course.
 
 
 La Saintelyon, 70km, départ 0h00, 1500m D+ pour 1900m D-
2. La pression monte
 Samedi 1er décembre 13h, Guillaume et Valessa me récupèrent en voiture pour prendre la route vers Lyon. Moments d’échange et d’encouragements, on se fait déjà la course dans nos p’tites têtes : les ravitos, les passages clé, les forces en présence…Classique,quoi. On stresse !!
 Une anecdote cocasse : en arrivant dans Lyon à 18h15 et sachant que les Gones jouent ce soir au stade Gerland depuis 17h, on s’est dit que ça allait être un gros bordel autour du stade et qu’il fallait se garer rapidement pour ne pas perdre de temps. Donc, juste après le panneau nous indiquant Gerland, et alors que notre GPS montrait une dernière ligne droite, nous nous sommes empressés de nous garer sur une place qui se libérait, de prendre toutes nos grosses affaires et de commencer à marcher vers le départ des navettes pendant près de.. 40 minutes par 0°c. ça nous a bien mis dans l’ambiance ;-) Après ce fut, la navette surchargée de 60 furieux, le hall B bruyant à souhait et la sieste semi-réparatrice à même le sol...bah, c’est la Sainté !!
 
Petite parenthèse pour mes amis Collobrièrois que j’ai retrouvés sur cette course de dingue. Ça m’a boosté de les voir avant le départ car nous partageons les mêmes objectifs : c’est avec eux, dans le sud que j’ai commencé à m’initier aux sports d’endurance, puis au Trail et c’est aussi avec eux que j’organise le Trail des Maures, à Collobrières en mai prochain.
  
 
 

 J’ai donc fait le choix de partir avec lesAdidas Adizero XT4 (légères, dynamiques et avec une incroyable accroche dans la neige et la boue), un cuissard court, des manchons qui couvrent les mollets et trois couches en haut (un juste-au-corps manches longues et un maillot manches courtes plus mon coupe vent). Je remercie encore Agnès pour tous ses conseils et son aide précieuse puisqu’elle va me prêter sa lampe frontale NAO et son sac de couchage.
Les premiers doutes arrivent à 23h15 quand, avec Guillaume et Valessa, nous partons en tenue à l’extérieur du complexe pour rejoindre Romuald De Paepe et Pascal, son suiveur, pour lui donner nos sacs et surtout notre propre suiveuse. Et là, coup de flippe : le froid nous saisis comme si nous tombions dans l’eau glacée d’un lac gelé. J’ai vite mis sous le dossard mon coupe-vent que je pensais mettre en bandoulière et nous avons pu commencer notre échauffement avec Guigui et Romu à l’intérieur même du hall, en tournant autour des box comme des lions en cage et en pensant aux vingt premières bornes de neige qui nous attendaient jusqu’à Sainte Catherine. Le Fighting spirit montait en nous verticalement et honnêtement, je ne me préparais pas à faire un simple trail mais plutôt à me mettre minable pour ne rien regretter. Je savais ce qui nous attendait et je ne vais pas être déçu.

 
3. Le départ
Nous sortons en courant nous positionner sous l’arche de départ avec Guillaume. On passe sous la ligne par l’avant face aux frontales de près de 6000 coureurs téméraires. Juste le temps de saluer Hervé Giraud-sauveur, Gilles Guichard, Michel Veraeghe et il faut déjà se préparer au top départ. Je suis positionné entre Cathy Dubois et Guillaume. Manu Gaultvient à côté de nous au dernier moment. La foule de spectateurs massée sur les bords de la route est impressionnante. La pression monte. Que c’est bon d’être là en ayant l’envie de tout donner...
 
 
5, 4, 3, 2, 1 c’est parti et ce ….jusqu’à 6h du mat’.Tout de suite, un premier groupe de quelques relayeurs à 4 partent sur des bases de 17 km/h. Plus loin, se forme un second groupe avec les favoris dont Gault,ChartoireViguierGuiguet. Puis nous suivons avec Guillaume etRomuald et quelques autres coureurs. Nous n’avions pas clairement établi de plan de course, mais nous voulions tous les trois partir prudemment en retrait du Top 10 pour pouvoir accélérer ensuite et gérer nos efforts jusqu’à Sainte Catherine (Km 28). De plus, il était nécessaire d’aborder les descentes à plusieurs pour pouvoir éclairer la trace avec un large faisceau.

Première montée dans le village de Sorbier et premiers tests. Les jambes sont là mais je préfère me laisser décrocher volontairement derrière Guillaume et Romuald pour ne pas y laisser des forces prématurément. Juste 15-20 mètres et je bouche le trou sur le replat suivant. Après le village, on grimpe sur les hauteurs d’Albuzy et l’on déboule sur des pentes blanches près du km 10.
 
Après un premier passage enneigé, nous arrivons tous les trois sur une route en descente. Nous n’avons même pas le temps de voir le verglas sur la route que je me prends un premier vol plané, heureusement sans gravité. Je tombe sur le cul mais, à 16-17kmh, ca réveille quand même et ça donne le "LA".  Lors de la montée suivante, Romuald se place devant et éclaire la piste avec son large faisceau. Nous nous calons derrière sa grande foulée et enchainons les montées-descentes dans la neige verglacée, ce, jusqu’au ravitaillement de Saint Christo en Juarez (km 16) où nous attendent, dans le froid, Pascal et Valessa. Nous passons en 1h06’, à près de 3 minutes de la tête, ce qui est parfait.
 
 
 
4. Sainte catherine
Le passage sur les hauteurs de Saint-Etienne vers le point culminant est un moment que j’ai trouvé génial. Je garde l’image de quelques passages délicats où nous pouvons nous enfoncer jusqu’aux genoux dans la neige avec un vent assez violent qui balayait la neige tombante en nous agressant les visages. Là alors que nous pensions être (presque) seuls dans cette galère, à 1h du matin par – 4°c, une fanfare nous attendait là-haut sur ce point le plus haut de la course. Les chanteurs s'égosillaient à côté d’un feu de joie qui illuminait des spectateurs nocturnes et nos cœurs par la même occasion. C’était juste le top !! Bon, après, on replonge encore plus esseulés dans la pénombre de la piste, avec juste le faisceau de notre lampe sur 4-5 mètres.
Les écarts sont déjà conséquents. Je suis passé devant au niveau du feu de joie, Romuald est dans mon sillage. Il y a deux relayeurs à une cinquantaine de mètres devant nous, Guillaume s’est laissé décroché dans la descente.
Je me retourne sur un tronçon de route et déjà une quinzaine de seconde nous séparent. Il n’est pas seul. D’autres frontales sont là, aussi , en embuscade. Mais, on ne voit rien, on ne sait rien. On se concentre juste sur ces propres sensations et sur les traces de pas laissées dans la poudreuse par la vingtaine de gars qui nous devancent.
 Romuald profite de cette partie roulante sur le bitume pour faire parler sa pointe de vitesse et me prendre très facilement une centaine de mètres pour revenir sur un groupe de trois relayeurs. Je reste alors en retrait derrière eux à une 15-20 secondes.
 
Juste avant le ravito de Sainte Catherine, je prends à droite sur la piste en voyant de l’animation au loin. Je déroule pour revenir rapidement sur le groupe me devançant dans ce passage lorsqu’un bénévole nous fais signe que nous nous sommes trompés. Il faut remonter là-haut  L . Je n’ai pas le temps de ralentir que j’aperçois déjà l’arche et les tentes du ravitaillement en contre-bas derrière moi. Je préfère alors continuer et aller récupérer la route qui y mène directement en faisant un petit détour autour d’un calvaire plutôt que de remonter tout là-haut. Sur la route, qui longe les bus navettes de la « Sainte express », je croise Romuald et je me dis alors qu’il a déjà une bonne avance malgré le fait qu’il avait seulement 20’’ sur moi avant de basculer. Pourtant, je ne crois pas avoir perdu autant de temps sur lui dans la descente technique.
 
 
 
En fait, lui ne s’est pas trompé et il est descendu droit sur le ravito de Sainte Catherine à 2h05’en 8ème position, près de 2’30 minutes devant moi. Heureusement, que je ne l’ai su, ni voulu le comprendre, cela m’aurait mis un coup au moral. Et puis, de toute façon, les gars derrière m’ont suivi également en faisant la même erreur d’aiguillage. La route est encore longue. Reste alors un marathon !!
 
A partir de ce moment là, après deux heures de course, les jambes ressentent une certaine fatigue. Nous sommes vraiment tout seuls ou avec juste quelques gars devant ou derrière. On entend davantage les bruits de la nuit et puis ceux de la route aussi. Les chiens qui aboient au loin annonçent notre passage. Des voitures arrêtées aux carrefours klaxonnent pour nous encourager. Je me sens assez bien, mais la fatigue s’accumule et je sais la route encore longue. Donc, je ne dois penser qu’à Courir-boire-manger-positiver. J’espère que Guillaume va me rattraper rapidement pour que l’on court ensemble car je ressens un logique coup de mou. J’ai envie de brancher mon Mp3 que j’ai embarqué…mais ce n’est pas une bonne idée.
 
 
 
 Des frontales me rattrapent rapidement, ce sont des relayeurs qui sont partis de Sainte Catherine. Mais quand même, ça fout aussi un coup au moral.
 Un coureur me rattrape encore et nous attaquons ensemble la descente du bois d’Arfeuille, finalement presque la moins piégeante de la course. Je lui demande son prénom et Sylvain me dit qu’il fait plutôt du Raid d’habitude mais si nous continuons comme ça « ce sera très bien !! ». Nous allons, nous croiser plusieurs fois dans la course lui me reprenant dans les montées en courant lorsque je marche et moi le reprenant sur le replat suivant en ayant en « Target » sa frontale dans la nuit. Après la course, j’apprendrais que cesylvain Montagny, est champion de France et d’Europe de Raid avec le team Lafuma- Vibram. Comme quoi, il faut se méfier des coureurs même si on ne les connaît pas encore ;-) Lien
Plus loin, un groupe nous reprend tous les deux. Je reconnais le grand gilou (gilles Guichard du team Adidas) et deux gars que je ne connais pas encore, dossards 46 et 69 (Philippe Prost et Nizar Sghaier, le lyonnais de l’équipe de France de 100km et spécialiste de la Sainté).

Nous nous retrouvons donc à 5-6 et ca ne me plaît pas du tout. Déjà, je ne connais pas grand monde, guillaume ne revient pas et ma frontale me joue des tours. Je décide bêtement d’accélérer dans la descente du bois de la dame pour prendre quelques secondes et étirer tout ce petit monde mais cela ne marcheras pas du tout et aura juste pour effet de me flinguer les quadriceps et au bénéfice de la montée suivante les quatre coureurs me rattrapent et me faussent compagnie en me déposant littéralement comme une …
 
Je pense alors à Guigui qui m’avait dit « Souris quand ca va mal car les zygomatiques sollicités participent à la sécrétion d’endorphines ». Bon, ok, Je ne sais pas si c’est vrai, mais fallait me voir sourire tout seul dans la nuit.
 
Au point haut avant le ravitaillement de Soucieux, au croisement de l’arbre (sic) , j’estime mon retard sur le groupe à déjà 45 secondes. "Ouch, t’as voulu jouer au con, assume !!"  Je récupère et prends les frontales comme cibles idéales. Je reviens progressivement sur eux avant le ravito de soucieux. Je vois même le dossard n°5 de Romuald. Lorsque j’arrive à sa hauteur, il m’explique qu’il vient de chuter lourdement sur le coude et qu’il stoppe à Soucieux.
Je récupère Gilles Guichard juste avant le ravito et le vois s’arrêter pour changer ses Riot, Je rate le ravito de Valessa dans cette ronde de coureurs- ravitailleurs- spectaureurs, puis je déboule rapidement dans le complexe de Soucieux. Là, je tombe nez à nez avec mon guigui qui m’attendait là au ravito. Il a été victime d’un gros coup de froid avant Sainte Catherine et a été contraint de s’arrêter, frigorifié à la limite de l’hypothermie. Je lis une certaine déception sur son visage mais il me transmet toute sa force pour que je ne lâche rien. Cela me sera très très utile.
 
Je suis déjà bien cuit et il reste près de 23km. Je m’arrête sur les tables pour remplir ma gourde du mélange eau-coca et repart avecSylvain Montagny en 11ème et 12ème position, juste devant Gilles Guichard et florian Racinet mais avec déjà 1’ de retard surPhilippe Prost et près de 4 minutes sur Nizar Sghaier qui n’a pas dû s’arrêter du tout. Il est pile 4 heures du matin mais il ne reste que de la descente ;-) Mouais, c’est quand même dingue comme tout change la nuit. Le paysage défile forcément moins rapidement qu’en journée mais le temps passe à une vitesse folle.
 
 Je décide de débrancher mes réflexes de défense pour me focaliser seulement sur ce top 10 qui devient carrément accessible. J’ai des gars autour de moi qui courent « carré » eux aussi. Ca va donc se jouer au mental. « Si tu le veux, va le chercher ce top 10 ». J’ai des pensées positives et je me sens plein d’énergie. Je ne dois penser qu’à une chose : rallier l’arrivée le plus rapidement possible.
 Un dernier chassé-croisé avec le grand Gilles qui vient juste de chausser ses glides et qui se sent pousser des ailes sur le bitume, une dernier effort pour recoller Sylvain qui m’a encore passé dans une montée pierreuse. Je recolle Gilles dans le parc avant Beaunant et j’arrive au ravito avec juste assez de temps pour faire un crochet sur les tables et attraper une Pom’pote.
 5. Beaunant
 
Je décide de passer la première rampe de la côte de l’aqueduc en courant, histoire de pouvoir mieux jauger des écarts sur mes poursuivants quand je me mettrais à marcher à mon tour. On m’annonce « un gars qui est mal devant ». Bon, ça veut surement dire que ca se voit plus que moi, déjà c’est motivant. C’est un peu comme l’âge, le poids ou les cheveux blancs, les remarques ne font pas avancer les choses plus vite mais elles peuvent faire un bien fou (ou pas).
En fait, à trop me concentrer sur ma Pom’pote et ce gars qui coince devant, j’en oublierais presque que derrière, ils sont à mes trousses aussi. D’ailleurs, un gars me rattrape à une vitesse incroyable. C’est un relai, c’est sûr. J’essaie de l’accrocher sur 2-3 kilomètres, je reviens en effet sur Pascal Guiguet qui lâche dans la descente sur les quais du Rhône. Florian Racinet vient me déposer à son tour, en me doublant encore plus vite que les relayeurs. Info-Intox ? Suis-je aussi mal en point que ça ?
  Je serre les dents et m’aperçois que ma frontale n’éclaire plus rien depuis quelques temps, du fait du froid.. Il reste 7 km. C’est rien et en même temps près de 40 mn quand même.
Les bords du Rhône me paraissent interminables. Méthode Coué « Plus vite je suis arrivé et plus vite j’en aurais terminé ». J’aperçois toujours Florian Racinet qui fait la trace devant à trente secondes. Je rattrape à mon tour le 9ème au dernier pointage à 4km de l’arrivée. Je m’étonne à réussir à courir à près de 14km/h avec un semblant de crampe à l’ischio gauche. Personne derrière ? si, mais à plus de 45 secondes. Ils ne reviendront plus si je ne crampe pas. Et puis le palais des sports de Lyon s’offre à moi, puis l’arche d’arrivée, libératrice. Je passe le portique incognito, en félicitantFlorian Racinet qui répond aux interviews. Je lève les yeux et vois monGuillaume arriver vers moi. Vraiment satisfait de cette fin de course et de cette fin de saison.
 
 
 
 
 
Je prends beaucoup de plaisir à monter sur le podium avec les dix premiers pour ma première Saintélyon. Les efforts ont été payants et la coupure d’avant course salvatrice même si il me reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour me rapprocher des meilleurs. Le top 5 à 15 minutes, ça donne des quand même des idées pour une prochaine fois, mais pas en 2013.
 Au final, cela aura été hyper fructueux d’aller m’éclater sur la Gapen’cimes et de faire l’impasse sur les Templiers. J’ai découvert une tout autre ambiance. Maintenant place à l’année 2013 et cap sur les trails de la Sainte Baume et de la Sainte Victoire, le Restonica Trail et surtout mon Grand Raid des Pyrénées.

Tous les résultats Ici : http://live.sportcommunication.info/live.php